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Le Yark

Actu Interview Publié le 28/05/2018

Programmé en novembre 2015 à la Péniche Excelsior et plus récemment dans le cadre du festival « Festimioches » à la MJC Ronceray, “Le Yark” intrigue. 
Derrière ce drôle de nom d'un monstre qui dévore les enfants gentils se cache un spectacle jeune public inspiré d'un ouvrage jeunesse et composé de textes et de musique live, quelque part entre théâtre et chanson.
Rencontre et discussion un vendredi midi de février, autour d'un hot dog, avec les deux têtes pensantes du projet : Véronique Nogueras et Simon Carbonnel. 
Par Marti


Présentations 

Simon : Je suis musicien, j'ai eu plusieurs groupes comme Casualty où je jouais des trompettes et machines, et je suis tombé amoureux des synthés analogiques très rapidement. Je parle de ces synthés qui fabriqués dans les années 80, qui craquent, qui buzzent, qui vibrent... Et qui m'ont amené à créer ACNE, puis AUNE, mon projet solo. En parallèle, je me suis rapproché d'Utopium Théâtre : cette expérience m'a initié à l'illustration sonore pour le théâtre.  En parallèle, j'ai participé à d'autres spectacles avec Pascal Gautelier, j'ai fait cela pendant 1 année en accompagnant sa troupe amateur en musique. Et on est sur un nouveau projet avec Sebastian Lazennec, mais ça sera plutôt pour fin 2017...

Véronique : À la base je suis éclairagiste, j'ai commencé en 1997 à Grenoble, et je suis revenue au Mans en 2000 où j'ai travaillé à L’espal et avec le Théâtre du Radeau sur des créations lumière. Ensuite, j'ai eu envie de me lancer sur mes propres mises en scène, avec notamment Emilie Croatier et Patrice Cosnard sur un projet autour de Kateb Yacine, un dramaturge algérien qui me fascine. De là, j'ai continué à faire des créations avec Paul Rogers autour de la musique improvisée et la poésie sonore. C'est un univers que je revendique... Et sinon j'ai fait de l'encadrement d'ateliers à la MJC Prévert pendant 8 ans en associant musique et écriture contemporaine.

S: Véro oublie de dire qu'alors que moi je suis dans la techno, elle est punk ! Punk des années 80. On se complète bien et en même temps, il y a un socle commun.

Rencontre

V: Simon est venu travailler avec David Veyser (ndlr : ingénieur du son) à Écho Studio pour le mixage du disque d'ACNE. J'étais là, je prêtais mes oreilles et, du coup, quand j'ai découvert l'univers de Simon, ça m'a raconté des histoires, j'aime son univers... On s'est bien entendu et on s'est dit qu'on monterait bien un projet ensemble. On a fait la soirée « Santa Boom Party », où Simon est arrivé avec ses machines et j'ai fait de l'écriture spontanée sur des textes. L'idée était de casser le schéma du Père Noël : si ça se trouve il est pervers, le Père Noël ! Clairement, c'était un spectacle pour adulte … interdit aux moins de 18 ans ! On a enchaîné sur « Le Yark », car justement, le texte de Bertrand Santini est très lié à la poésie sonore, quelque chose de rimé, très musical, vraiment magnifique. 
Travailler avec Simon nous a permis non pas uniquement d'illustrer un texte mais d'envisager comment ensemble, on va raconter une histoire en musique et textes. Et comment on va entrer dans un univers, avec ses péripéties...  Au final, on avait envie de travailler ensemble car il y avait cette connexion, du travail à l'oreille, le rapport au sensible.

V: On se laisse champ libre, on a un cadre assez large et on se laisse de la liberté dans le cadre. D'ailleurs on passe notre temps à retravailler les morceaux, le spectacle évolue tout le temps. Au début on était très sur l'électro et Simon m'a laissé un peu de place sur des morceaux à la Bauhaus, des choses comme ça…

S: La liberté, j'aime ça, même si j'ai des projets plus « carrés », plus préparés. J'aime les 2. Quand je fais de la musique, je sais où je vais et j'aime la liberté dans ce que je joue.

Travailler sur les émotions

V: Le point de départ sur ce projet, c'est le livre, qui a été une évidence car on sentait une musicalité intéressante. Et ça se mariait bien avec notre intérêt commun, qu'on appelle entre nous l' “électro punk”, ce personnage qui vient... Par exemple, le son du Moog représente le Yark ! C'est difficile à décrire...

S: On s'est beaucoup intéressé avec Véro à l'histoire des émotions, par quels états on passe à la lecture du texte, et à quels états on a envie d'amener les enfants. Il ne s'agit pas de leur faire peur tout le temps, même si on aborde la peur... On essaie de s'arrêter sur des émotions avant tout. 

V: On garde cette liberté de la musique improvisée, nous on sait qu'on a nos rendez-vous émotionnels, notre cadre. Mais à l'intérieur on se laisse le champs libre pour, en réaction le public, apporter une petite note de moog ou pas. 

S: Bon, je n'arrive pas à retenir toutes les parties donc je suis obligé d'improviser ! (rires)

V: On travaille sur le thème de la peur qui se décline en plein de choses, et l'idée est aussi que les gamins puissent se dire « oui, j'ai peur mais finalement, je n'ai pas si peur ». La musique rassure, les émotions sont là, ce n'est pas parce qu'on est enfant qu'on est seul à avoir peur. La structure du Yark permet cela aussi : illustrer le monstre musicalement.

S: C'est un montre qu'on finit par bien aimer en fait. On a envie que ça se passe bien pour lui, et pour que ça se passe bien pour lui, il faut qu'il mange des enfants mais... 

V:  … Il y a peut-être d'autres solutions ! Il s'agit de désacraliser l'image du monstre. Quand on l'a joué la première fois à la Péniche Excelsior, on a dû annuler des représentations car c'est tombé en plein dans la période des attentats de Paris. Et, en même temps, la peur, c'était hyper intéressant car du coup les enfants sont arrivés chargés, on était tous hyper chargés, et le fait de jouer le spectacle, c'était fort. On s'est approprié nos peurs et on les a transformées. 

S: On avait peur de faire peur aussi...


Uu spectacle pour les kids : contraintes et opportunités

S: Concernant les textes, il n'y a aucun mot de changé par rapport au livre, mais on a dû couper des passages.
 
V: On a gardé la trame et, à l'intérieur, on a adapté comme on aurait fait l'adaptation théâtrale d'un roman. On a veillé également à ce que ça rentre dans le temps relativement court d'un spectacle jeune public car sinon le spectacle durerait 1h30 à 2h. On a fait attention également à garder l'identité du livre, ne pas faire de contre-sens.

S: C'est déjà long pour un spectacle « jeune public »... Mais je pense qu'on est arrivé au bon timing sans dénaturer l'histoire.

V: Il y a une contrainte de temps justement, qu'il faut adapter à l'âge... Et puis, il y a le discours. Une question qui nous taraude : jusqu'où peut-on aller dans le contexte ? A qui s'adresse t-on ? Forcément, les 3-6 ans et les 6-12 ans ne vont pas s'attacher aux mêmes choses, surtout dans la période sensible liée à la peur. 
Typiquement pour un spectacle jeune public, adapter musique et texte est un vrai challenge pour garder la « stéréo » : faire en sorte de garder l'équilibre des intérêts du texte et de la musique. Ça, c'est une vraie contrainte : comment allier les 2 pour ne pas être uniquement dans l'illustration d'un propos. 

S: C'est intéressant de sentir l'énergie entre la musique et le texte en live, savoir qu'on s'emmène… C'est aussi la musique qui va porter Véro dans ce mouvement-là, ce n'est pas uniquement de la colorisation de spectacle. C'est très intéressant. Plus ça va, plus on ressert les choses : les interventions musicales peuvent arriver sur des morceaux de textes précis, pour que les enfants puissent se repérer dans le fonctionnement, etc... Dans la construction aussi : à des moments, le Yark entre dans la maison, ça commence par des petites rythmiques un peu chaloupées, et puis ça évolue...  Et on garde la même construction de morceaux avec les mélodies qu'on fait évoluer pour représenter le Yark.

V: Cela permet aux enfants d'entrer dans le costume du Yark.

S: Avec les synthés que j'utilise, on est dans la subjectivité : à un moment le Père Noël envoie des jets de chantilly, et c'est le thérémine qui représente le jet de chantilly... Cela implique un mouvement et un son spécial qui représente le mouvement.

La composition musicale au service du spectacle 

S: J'aime être à l'écoute des textes pour illustrer le texte, m'adapter et aussi emmener Véro via mes propositions.

V: Il y a des sons qui ne passent pas car cela ne colle pas avec ma voix. On a vraiment tout construit ensemble via des recherches sonores.
 
S: Dès le début, j'ai défini les machines avec lesquelles j'allais travailler sur ce spectacle. Et la créativité part de cette limite : à moi de me débrouiller pour faire avec. Ce sont des machines différentes des autres projets dans lesquels j'évolue.
 
V: On utilise des machines simples qui permettent aux enfants de toucher et de comprendre leur fonctionnement. En parallèle des ateliers d'écriture, on voudrait à terme que les enfants puissent créer leur monstre via leur univers sonore. 

Des projets ?

V: On a construit et re-construit le spectacle en lien avec les dates de représentation à venir, il évolue comme ça. On commence à resserrer les représentations et on peut proposer une vraie formule qui tient la route, on va donc se lancer dans la diffusion. Il s'adresse à la fois au réseau musiques actuelles, à la fois à celui du jeune public … C'est une proposition mixte qui n'existe pas actuellement.

S: Il y a des lieux qui s'y prêtent plus que d'autres, il faut des petites jauges. La Péniche Excelsior est typiquement le genre de lieu que l'on apprécie. 

V: La proximité permet d'aller à la rencontre des enfants. C’est important : dans le spectacle, je les renifle, je les touche…  
En ce moment, on discute avec des programmateurs et finalement c'est plus le milieu musical que celui du théâtre qui vient nous chercher.

S: On a envie de faire tourner le spectacle. On a des coups de mains de notre entourage là-dessus mais ça reste à développer. 

Les références de Simon et Véro
3 références à lire et 3 disques à écouter

Les poèmes de Ghérasim Luca
Le Petit Prince
Anafrog (Forum d'échanges à propos des synthés analogiques)

Lydia Lunch – Tout !
Bauhaus - Bela Lugosi's Dead
Nina simone - Sinnerman